lundi 21 septembre 2015

Il n'y a qu'au cinéma


J'avais déjà vu le film de Baillie Walsh, "Flashbacks of a fool" et je l'avais apprécié. C'est en le regardant une deuxième fois que j'ai réalisé à quel point j’étais littéralement transportée par le récit. Joe Scot (Daniel Craig), star hollywoodienne d'origine anglaise est un homme à la dérive. Sur le point de détruire sa carrière par le biais de l'alcool, la cocéine et autres comportements autodestructeurs, il est sans attaches réelles.

Tout le monde lui fera d'ailleurs faux bond ce jour-là, son agent (le magnifique Mark Strong) et même son assistante personnelle qui rend son tablier, fatiguée de nettoyer après lui au sens propre comme au sens figuré. Un coup de fil lui annoncera la mort subite par rupture d'anévrisme de son ami d'enfance et le voici en un instant sur les lieux du crime, là ou il a grandi et là ou un drame plus grand que nature s'est déroulé sous ses yeux et l'a poussé le lendemain  à s'enfuir de chez lui, à l'age de 16 ans.

Une adolescence dans les années 70. Tiens, cela résonne dans ma mémoire. La musique que Joe écoute et partage avec ses amis n'est pas celle, pourtant, que j'ai connue. Je ne connaissais pas Roxy Music au milieu des années 70. A vrai dire, je ne les ai jamais connus et je les découvre aujourd'hui. Quand j’entends Bryan Ferry qui chante 'If there is something" je pleure comme une midinette, sans raison, Je pleure parce qu'il restent encore des larmes de cette époque là. Je ne savais pas qu'elles existaient encore, tenaces comme des statues, mystères archéologiques.

Mon premier disque était des Manfred Mann, je ne saurais dire de quel album il s'agissait, ni qui me l'avait offert. Il fut suivi rapidement par "Abbey Road" des Beatles qui me plaisait beaucoup. Mais mon cœur allait à Reggiani, Barbara, Moustaki. Je liquidais tout mon argent de poche pour l'achat de leurs disques. Je jouais plusieurs de leurs chansons sur mon piano. C’était encore du temps ou mes mains s'accordaient ensemble sur le piano. Je composais des chansons et de la musique, souvent inspirée de mes auteurs-compositeurs préférées. Je n'ai pas gardé ces chansons. Elles sont peut-être encore chez mon amie d'enfance à qui j'ai préféré tout laisser.

Quand Joe Scot revient en Angleterre, il sait qu'il lui faudra affronter les paysages qui ont brisé sa vie en un instant. Pourtant ce sont les mêmes paysages qui l'on construit. Les mêmes. Il va lui falloir faire un choix: rester en arrière ou aller de l'avant. Quant a moi je n'aurais pas du arrêter de jouer du piano  à l'age de 20 ans. Je jouais très bien. J'aimais beaucoup composer sur des paroles que j’écrivais. Mon piano et moi vivions le grand amour depuis que j'avais 5 ans, depuis mes premières leçons chez Me Hadt.  Il me rendait heureuse même si les exercices de Me Hadt étaient parfois difficiles et rébarbatifs.

Je l'ai quitté comme on quitte un amant en lui claquant la porte sur les doigts. Je l'ai quitté parce que je n'avais pas le choix. Si j'avais pu partir, je l'aurais fait, je me serais enfuie bien loin, la ou je n'aurais plus mal de voir ma mère paralysée, devitalisée, fracturée. C’était ma façon de dire: je ne joue plus, mes mains sont mortes, mon cœur aussi.

Il n'y a qu'au cinéma que l'on a le choix: rester en arrière ou aller de l'avant.


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2015-2016