jeudi 11 octobre 2018

Hannah et Rachel


Hannah est âgée de 11 ans. Elle revient de l’école, toute fatiguée et énervée. Peut-être s'est-elle fâchée avec une de ses petites camarades de classe. Sa mère l’aperçoit et entre dans le salon. Tout de suite elle voit que Hannah a les larmes aux yeux. La mère de Hannah est très élégante dans son tailleur marron doté d'un col de fourrure. Elle se met debout devant Hannah et lui dit:
- Arrête de pleurer.
Hannah continue de pleurer. Elle se dirige vers les escaliers qui montent vers les chambres.
- Arrête de pleurer, insiste sa mère derrière elle.

Hannah court vers sa chambre. Elle s’assoit sur son lit pleurant avec effusion. Elle a l'air surprise de verser autant de larmes. Armée d'un gant de toilette mouillé, la mère de Hannah surgit dans la chambre.
- Tu vas arrêter de pleurer, lui dit-elle tout en passant le gant mouillé sur son visage, arrête immédiatement!
Les larmes continuent, devenues silencieuses.
- Si tu n’arrêtes pas de pleurer, je saute par la fenêtre, dit la maman de Hannah.
Hannah a un petit sursaut, une petite secousse, presque indicible. Sa mère parle encore mais elle ne l'entend plus très bien, comme si quelqu'un avait baissé le volume du son. Ses larmes coulent encore. Elle les essuie discrètement du revers de la main droite. Elle baisse le nez et regarde le plancher. Elle ressent quelque chose de bizarre, comme si la pièce commençait à disparaître, les meubles à s'effacer, les rideaux à flamber.

Entre-temps la maman de Hannah a rejoint le bord de la fenêtre. Elle s'assoit sur le radiateur, le dos à la fenêtre ouverte.
- Alors? Tu arrêtes de pleurer, dit-elle? Je vais sauter, tu vas voir.
Mais, déjà, Hannah n'entend pas sa mère. Elle voudrait bien ne plus pleurer mais c'est trop tard, trop tard pour pleurer ou pas, sourire, chanter, aimer ou pas. La maman de Hannah a soulevé légèrement ses jambes pour pivoter sur le bord de la fenêtre. Elle est face au vide. Elle se retourne alors vers l'enfant lui lançant un regard glacé et perçant tout à la fois:
- Tu vois, tu ne pleures plus.
Hannah ne répond pas. Elle ne pleure plus. Elle n'est plus là.

Rachel est âgée de 11 ans. Elle revient de l’école, toute fatiguée et énervée. Peut-être s'est-elle fâchée avec une de ses petites camarades de classe. Sa mère l’aperçoit et entre dans le salon. Tout de suite elle voit que Rachel a les larmes aux yeux. La mère de Rachel est toute belle dans une robe fleurie sans manche. Elle se penche vers l'enfant et lui dit:
- Mais tu pleures , Rachel?
- Non. C'est rien maman.
- Mais si, je le vois bien, tu pleures. Pourquoi tu pleures ma chérie?

Rachel se met à pleurer avec effusion. Elle a l'air surprise de verser autant de larmes. Elle s'assoit à la table de la salle à manger et sa mère vient s’asseoir près d'elle. Elle pose sa main sur les cheveux de Rachel.
- Comment une si jolie petite fille peut-elle pleurer? Qu'est-ce qui t'est arrivé, mon trésor?
- Corine a été méchante avec moi.
- Comment ça? Avec toi qui est toujours si sympa avec tes petites copines? Elle t'a dit quelque chose?
- Oui, elle m'a dit que j'avais des cheveux de négresse.
-  Mais ma chérie, tu crois pas que c'est joli des cheveux de négresse?
- Non, maman. C'est moche. Je veux avoir des cheveux lisses comme toi.

La mère prend l'enfant dans ses bras. Elle pose un gros baiser sur chacune de ses joues et aussi sur son front. Elle lui dit dans l'oreille:
- J'adore tes cheveux frisés. Je t'aime, ma petite négresse. Tu veux du gâteau?
La mère de Rachel rapporte de la cuisine un gâteau au chocolat et sort des assiettes du buffet. Elle découpe des tranches.
- On va se faire un petit goûter, dit-elle. On le mérite bien. Ta sœur a téléphoné tu sais, ça se passe bien à l’université, elle s'est faite plein d'amis. Elle m'a dit que tu lui manquais beaucoup.

Rachel baisse le nez. D'un geste grandiloquent elle essuie sa morve avec la main droite. Elle reste comme ça, le regard fixé sur sa fourchette.
- Je sais que c'est difficile pour toi, dit la maman de Rachel. Avec le temps ça va s'arranger tu verras. Moi aussi des fois je me fais du souci pour elle, je pleurniche un peu. C'est normal, tu sais. Si tu veux, on peut s'aider toi et moi et quand ta sœur te manquera tu viendras m'en parler et quand elle me manquera je viendrai te voir pour que tu me donnes un gros bisou. Tu veux bien?



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