dimanche 28 septembre 2014

Cette nuit differente des autres nuits




Depuis mon plus jeune âge j'ai toujours su qu'il existait des barrières, concrètes aussi bien qu'abstraites entre différents aspects de ma vie.  Ces barrières étaient amovibles mais pas par moi, jamais par moi. J’étais depuis la nuit des temps cernée d'adultes qui décidaient comme bon leur semblait du déroulement de mon existence. J’étais incapable à l’époque de discerner le bon jugement des uns  à l'opposé des autres .Il m'a toujours semblé du haut de mes 3-4-5 ans que ma sœur, de huit ans mon ainée, était détentrice de la plus grande sagesse et compassion  à mon égard alors que les autres en leur ensemble étaient occupés à vivre leur vie et à orchestrer des choses importantes qui ne me concernaient pas. 

C'est plus tard, à la fin de la 7eme, que je lus un livre sur l'Olympe d’où les dieux pouvaient, du geste d'un doigt , sauver ou détruire le destin de simples mortels. Petite, c’était l'image que j'avais de mes parents, de ma grande sœur et de mon beau-frère. Ils étaient pour moi tous les quatres dans la même catégorie, possesseurs d'une puissance intrinsèque dont mon bien-être dépendait. J'élaborais d'ailleurs parallèlement  la même approche avec les bonnes qui n'étaient certes pas des dieux de l'Olympe mais de simples mortelles qui exerçaient une influence importante sur mon quotidien.

C'est comme ça que j'ai grandi dans un respect absolu de l’autorité, ayant toujours ressenti une admiration sans bornes pour ce quartet d'adultes. Cependant, quatre figures parentales c’était beaucoup. Au bout du compte aucune ne le fut vraiment à 100%. Je passais de l'une à l'autre en cherchant des réponses à des questions que je ne savais pas énoncer.

Pourtant, c’était toujours à moi qu'il incombait, chaque année, de poser les questions de "Ma nishtana" le soir de Pessah. Nous étions dans l'appartement de Saint-Mandé, Mali, Albert, mes parents, Geneviève et souvent des invités. le Seder commençait et je jetais aux invités des regards noirs et obliques pour bien indiquer mon opposition à leur présence et  mon exaspération naissante. Les minutes et heures qui suivaient confirmaient ma prédiction; Albert était tout sourires avec ses amis et du haut de mes 4-5 ans je trouvais cela douloureux, comme si cela remettait ma propre existence en question.

Je me mettais debout sur ma chaise et je déclamais d'un trait "Ma nishtana". Tous étaient tournés vers moi. C’était délicieux mais effrayant. Et puis, pour me rassurer, pour ne pas oublier un verset, pour être parfaite, pour qu'Albert tourne vers moi son visage, pour que le sourire éblouissant de Mali jaillisse encore une fois,  pour que maman m'aime, pour que papa soit heureux, pour que Geneviève soit fière de moi, je me dis cette phrase à moi-même: "je les regarde d'en haut, c'est moi qui les vois"


mardi 23 septembre 2014

La journée de la jupe


J'ai essayé de remonter dans le temps pour retrouver le premier souvenir que j'ai d'Albert. L’expérience n'a pas été concluante. Je ne me souviens pas de son mariage avec ma sœur qui a eu lieu en juin 1960 quand j'avais 3 ans et demi. Les photos du mariage, certes, existent mais pas ma mémoire.

Dans le temps, à une époque éloignée et floue, au bout de la petite cour ou maman plantait ses tulipes sur un mètre carré de jardin, se trouvait une porte qui donnait sur la grande cour de notre propriétaire. Cette porte n'était pas fermée à clé et il suffisait donc de tourner la poignée pour l'ouvrir. Plus tard maman et la propriétaire de notre maison se fâchèrent, je ne saurais dire pourquoi, et l’accès à cette grande cour nous fut refusé. Cette cour comportait un garage et une remise ainsi qu'un grand espace ou nous pouvions jouer. Il me semble que papa pouvait y garer la voiture.

Il est donc présent à l'appel, mon premier souvenir d'Albert. Lui et Mali dirigeait à l’époque une maison de prêt à porter pour enfants nommée merveilleusement "Dominique et Gilles". A chacune de leurs visites à Châteauroux Mali et Albert ne manquaient pas de m'apporter des vêtements issus de leur création. Aucun ne m'est resté en mémoire à l'exception d'une jupe avec des motifs de fruits et des couleurs jaune et verte.

C'est cette jupe que je porte sur la photo, celle que Albert prend de moi dans la grande cour. Je suis debout à côté d'une voiture et je prends des poses. Je relève légèrement d'une main le tissu de la jupe, je souris. Mes longs cheveux frisés sont ramassés en chignon.  Il me parle.Soudain en écrivant ceci, j'ai un soupçon. Était-ce bien Albert qui m'avait photographiée?

Ne serait-ce pas plutôt ma sœur Geneviève qui avait pris de nombreuses photos de moi? Alors, dans ce cas-la, je ne sais plus pourquoi je me souviens de sa présence à ce moment précis mais je sais qu'il était là . Sa voix, très certainement , jaillissait de quelque part. Je l'entends encore un peu nasillarde, un peu sarcastique, je l'entends joyeuse ce jour là dans la cour, du temps ou nous pouvions y accéder en tournant la poignée de la porte.

Je ne sais pas ou est cette photo. Elle existe dans un album, chez quelqu'un. A l’époque ou cette photo a été prise j’étais à la maternelle. Curieusement ( ou pas) mon premier souvenir de Mali date de l’année ou j'ai appris à lire et ou elle m'a apportée le livre "Oui oui au pays des jouets". J'avais presque 6 ans. Je n'ai aucun souvenir d'elle avant ce jour-là.
Pour conclure cette rubrique mémoire ça foire, je dirai qu'Albert avait le titre de beau-frère mais le titre seulement. La mémoire flanche mais ne ment pas.

jeudi 18 septembre 2014

L'émerveillement


"Quisiera darte todo lo que nunca he tenido y ni así sabrías qué maravilla que es poder quererte" Frida Kahlo

J'aurais voulu te donner tout ce que je n'ai pas eu mais même alors, tu ne comprendrais pas l’émerveillement qui est de t'aimer.